Tribune dans Le Monde – Journée mondiale de lutte contre la désertification

LA MTMSI est co-signataire d’une tribune du CARI dans le journal  LE MONDE du 17 juin : La sécurité alimentaire est sous la menace de la dégradation des sols.

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Cette tribune proposée par le Cari  a été co-écrite avec Marc Dufumier à l’occasion de la journée mondiale de lutte contre la désertification et la sécheresse ce 17 juin 2020, appele à la transition agroécologique de l’agriculture, indispensable à la lutte contre la dégradation des terres.
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A lire ci dessous


DES SOLS VIVANTS POUR UN AVENIR FERTILE

De l’état des sols dépendent les biens que nous consommons, l’occulter serait fatal. Dans une multitude d’écosystèmes locaux ils retiennent ou filtrent l’eau, hébergent la biodiversité, élaborent la fertilité nécessaire à la production agricole, fournissent des matériaux et des fibres. Leur contribution est aussi essentielle à la qualité de l’air et des paysages sur lesquels se posent nos yeux.

Les sols sont vivants et s’y élabore en silence le potentiel du futur. Il faut environ 500 ans pour former 5 centimètres de sol et la faune qu’il comprend comptabilise 25% de toutes les espèces décrites sur Terre. Le volume d’une seule cuillère à café de sol contient des milliards de microorganismes tous nécessaires à la vie !

Nos sols se dérobent sous nos pieds

Plus de 3,5 milliards hectares de terres sont dégradées dans le monde et risquent de devenir impossibles à cultiver. Dans les zones arides qui comptent pour 44 % de la surface terrestre émergée, le phénomène est plus massif. En Afrique par exemple il touche 65 % des terres cultivables. Partout, la dégradation des terres met en péril les modes de vie des personnes qui dépendent de l’agriculture. Leur présent est difficile et leur avenir incertain.

Ce processus est qualifié de « désertification ». La Convention des Nations unies de lutte contre la désertification définit ce terme comme « la dégradation des terres dans les zones arides, semi-arides et subhumides sèches, par suite de divers facteurs parmi lesquels les variations climatiques et les activités humaines ». La désertification diminue chaque seconde les potentialités productives des sols sous toutes les latitudes.

Les causes de la désertification sont multiples, mais les activités humaines en sont les plus grandes responsables. Défrichements abusifs, labours excessifs, exposition de la faune du sol à l’air et au soleil, excès d’irrigation, épandage de pesticides et d’engrais chimiques, destruction de la faune, monoculture, fuite de l’humus des sols et perte de leur fertilité… Aucune civilisation n’a survécu à la mort de ses sols.

Les temps changent

Dans les enjeux environnementaux globaux, la mère de toutes les fragilités et de toutes les batailles demeure la lutte contre la dégradation des terres. Elle est pressante car les agressions ont atteint leur point de basculement. L’Objectif de Développement Durable 15 en fixe un excellent cadre à trois niveaux : éviter de dégrader, réduire la dégradation qu’on ne peut éviter, restaurer les terres dégradées pour atteindre la neutralité, soit « un état où la quantité et la qualité des ressources terrestres nécessaires au soutien des fonctions et services écosystémiques et au renforcement de la sécurité alimentaire restent stables ou augmentent au sein d’un écosystème ». Dans les perspectives du « jour d’après » évoqué en ces temps de crise sanitaire et pour agir « contre la réintoxication du monde », des leviers existent. Parmi eux, les plans d’action nationaux élaborés par de nombreux États pour atteindre la neutralité en matière de dégradation des terres doivent bénéficier d’un soutien particulier.

Une première bonne nouvelle consiste en la reconnaissance du problème par différents rapports scientifiques parus en 2019. Le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) insiste sur le rôle clé des terres dans le système climatique : « les sols, second puits de carbone à l’échelle mondiale après les océans, peuvent contribuer massivement à l’atténuation et à l’adaptation aux changements climatiques ». De même la Plateforme intergouvernementale sur la biodiversité et les services écosystémiques (IPBES) souligne que concernant la dégradation des terres « le coût de la perte induite des espèces et services écosystémiques s’élèverait à au moins 10 % du PIB mondial annuel ». Enfin, le groupe d’experts du Comité des Nations unies sur la sécurité alimentaire (CSA) s’attache aux liens entre la santé des sols et l’amélioration de la santé écologique et humaine.

Alors que près de la moitié des systèmes cultivés sur terre se situent dans les zones arides, la sécurité alimentaire est sous la menace de leur dégradation. L’insécurité alimentaire qui en découle constitue un facteur majeur de pauvreté qui conduit partout à des instabilités sociales et politiques. Des terres dégradées mènent à des vies dégradées. L’ONU estime que la désertification, les pénuries d’eau et la baisse de la production agricole, pourraient entrainer la migration forcée de 50 à 700 millions de personnes d’ici à 2050.

La transition vers l’agroécologie est lancée

Avec l’extrême fragilité des systèmes alimentaires avérée par la crise du Covid-19, une seconde bonne nouvelle consiste en la reconnaissance progressive de l’agroécologie comme alternative. Son approche et ses méthodes alliant agronomie, écologie et social permettent de répondre aux besoins de la production agricole et alimentaire tout en évitant les effets délétères de l’agriculture conventionnelle. Les paysannes et les paysans qui pratiquent l’agroécologie sont des acteurs majeurs du maintien des patrimoines nourriciers tout en contribuant à la lutte contre le réchauffement climatique et la perte de la biodiversité. Elles et ils assurent une production alimentaire nutritive, la durabilité environnementale et une meilleure résilience socio-économique à l’échelle des territoires.

Alors qu’elle est hautement résiliente, l’agroécologie souffre surtout d’un manque de ressources financières et matérielles et d’un cadre institutionnel favorable. Cette situation est aggravée par la volatilité des prix agricoles et la spéculation des denrées sur les marchés‎ internationaux.

La transition écologique de l’agriculture est indispensable à la lutte contre la désertification et la dégradation des terres. Elle ne peut se faire sans les paysannes et les paysans qui pratiquent l’agroécologie et les politiques commerciales doivent les y aider, et non leur nuire. C’est urgent.

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